L’enquête, qui a débuté en 2019 et vise des malversations financières, dresse le portrait de cette bande mafieuse d’Ajaccio, qui a étendu son emprise sur la Corse-du-Sud, pénétrant notamment le monde économique.
COLCANOPA Il est rare qu’une enquête judiciaire offre un tel panorama,la mainmise d’un groupe criminel sur une société entière. C’est le cas de l’affaire Email Diamant,du nom d’un vaste dossier de blanchiment international impliquant le gang corse du Petit Bar.
Après cinq ans d’instruction,comme l’a révélé Le Nouvel Obs,le parquet de Marseille a requis,le 1er juillet,le renvoi de vingt-sept personnes pour des montages financiers douteux et s’applique à détailler « l’emprise mafieuse du Petit Bar » sur la Corse-du-Sud. Souvent rétive à l’idée que l’autorité de l’Etat puisse être défiée,la justice montre,cette fois-ci,comment « ce groupe criminel a pénétré le monde économique,politique et judiciaire ».
Les investigations ont démarré un peu par hasard. Alors que les enquêteurs travaillent sur la tentative d’assassinat,en 2018,d’une figure de la pègre ajaccienne,Guy Orsoni,leur attention est attirée par des bruits enregistrés par des micros espions placés au domicile parisien de son rival,le chef du Petit Bar,Jacques Santoni. « Cette sonorisation permettait d’entendre la manipulation de billets de banque »,raconte le réquisitoire définitif. Entre 2017 et 2020,« le comptage des billets révélait des mouvements financiers d’environ 2 millions d’euros »,écrit le parquet de Marseille.
L’information judiciaire ouverte,le 12 avril 2019,notamment pour blanchiment,met la lumière sur la dimension prise par cette bande ajaccienne,née au début des années 2000 et qui tient son nom d’un bar,à deux pas de la préfecture,dont ils avaient fait leur QG. Pour les policiers,il ne s’agit pas d’une génération spontanée. S’ils ont fait leur place grâce aux extorsions,trafics de stupéfiants et éliminations physiques,ils sont aussi les héritiers de l’ancien parrain de Corse-du-Sud,Jean-Jérôme Colonna,dit « Jean-Jé »,mort en 2006.
Autour de Jacques Santoni,tétraplégique depuis un accident de moto,fin 2003,que certains de ses amis qualifient de « parrain »,on trouve Mickaël Ettori,dit « Canapé »,au regard du temps passé devant la télévision,Pascal Porri,dit « l’Ampoule »,en lien avec la forme de son visage,André Bacchiolelli,« Dédé » ou « Tête tordue »,toujours pour des considérations physiques,ou encore Stéphane Raybier,sans surnom,un homme ombrageux qui se suicide en prison,début 2021.
Pour le parquet,ce groupe « répondait au final à ce qui définissait une emprise mafieuse,l’existence d’un lien associatif entre ses membres (…) et l’interpénétration du banditisme de l’économique et du politique dans le but d’acquérir des profits ». Les membres du clan répondent qu’il s’agit de « dires de journalistes ». Le 3 mars 2019,alors qu’ils regardent un documentaire sur le chef mafieux sicilien Toto Riina,Mickaël Ettori et Pascal Porri se livrent pourtant à une étude comparative entre son système et le leur. « Les deux hommes semblaient fascinés par ce mafieux et on entend un bruit métallique ressemblant à un bruit de culasse »,note la surveillance.
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