Une prévenue relaxée dans une affaire de « prise illégale d’intérêts » grâce à la jurisprudence Dupond-Moretti

« Etant relevé que la prévenue n’a pas fait d’études supérieures en droit, ni n’a exercé des emplois (…) tels que la profession d’avocat pénaliste ou la fonction de ministre de la justice, (…) le tribunal juge que l’élément intentionnel (…) [n’est pas] caractérisé », écrivent les juges dans leur décision.

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Souvent,le magistrat est austère. Parfois,il se montre taquin. Mercredi 30 octobre,les juges de la 13e chambre du tribunal judiciaire de Paris ont relaxé deux personnes renvoyées pour « prise illégale d’intérêts » dans une affaire d’attribution de logement social,en s’appuyant sur la relaxe obtenue par Eric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République (CJR).

« La prise illégale d’intérêts est matériellement parfaitement caractérisée,écrivent les juges dans leur décision,consultée par Le Monde jeudi 31 octobre. Cependant,[l’avocat d’une des deux prévenus] a plaidé le défaut d’élément intentionnel (…),au motif qu’elle n’avait pas eu une “conscience suffisante” de cette prise illégale d’intérêts,faisant ainsi explicitement référence à l’arrêt de la [CJR] qui a relaxé M. Dupond-Moretti. » En novembre 2023,cette juridiction spéciale,compétente pour juger les ministres,avait estimé que l’ancien garde des sceaux s’était bien placé « en situation objective de conflits d’intérêts » – en ouvrant des enquêtes administratives contre des magistrats avec lesquels il avait eu des différendslorsqu’il était encore avocat – mais qu’il n’en avait pas conscience. Faute d’« élément intentionnel »,il avait été relaxé.

« Etant relevé que la prévenue n’a pas fait d’études supérieures en droit,ni n’a exercé des emplois qui conduisent à développer ou confirmer des compétences en droit – tels que la profession d’avocat pénaliste ou la fonction de ministre de la justice (…) – mais est fonctionnaire de catégorie C récemment arrivée dans ce service,le tribunal juge que l’élément intentionnel (…) [n’est plus] caractérisé » au regard de cette nouvelle jurisprudence,estiment les juges de la 13e chambre.

Trois profils de demandeurs

Manelle S. et son collègue Lucas G. étaient tous deux membres d’un service de la préfecture d’Ile-de-France chargé d’instruire les demandes de logements sociaux des agents de l’Etat. Le 16 septembre 2022,Manelle S.,arrivée depuis moins de dix jours dans ce service,modifie l’indice de priorité de sa propre demande de logement social,y ajoutant de manière injustifiée dix points en raison d’un handicap. Si elle bénéficiait bien d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) depuis avril 2022,cette RQTH avait établi un taux d’incapacité trop faible pour lui donner des points de priorité – ce qui « ressort sans ambiguïté du guide du référent logement (…) et d’un message de sa référente logement [du] 29 septembre »,énonce le jugement. Elle n’avait,au surplus,pas le droit de modifier elle-même son indice de priorisation.

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