Après de longs débats techniques, l’émotion a fait son retour au tribunal correctionnel de Marseille, avec les plaidoiries des conseils des proches des victimes, qui se sont attachés à décrire les manquements d’« une association d’imprudents et de négligents ».
Lors d’une manifestation organisée à l’occasion du sixième anniversaire de l’effondrement rue d’Aubagne,Liliana Lalonde tient un portrait de son fils Julien,mort dans l’immeuble dans lequel il vivait. A Marseille,le 5 novembre 2024. CHRISTOPHE SIMON / AFP Simona,Ouloume,Marie-Emmanuelle,Papé,Fabien,Taher,Chérif,Julien… La vingtaine d’avocats des parties civiles ont tous énuméré le prénom des huit victimes,en guise de dernier hommage public. Des semaines de débats techniques,ressemblant souvent à un accedit d’expertise en construction immobilière,avaient couvert l’émotion du début du procès,marqué par les poignantes dépositions des proches des victimes des effondrements de la rue d’Aubagne,le 5 novembre 2018,à Marseille.
Dans les plaidoiries,qui ont eu lieu du 5 au 10 décembre,cette émotion a rejailli instantanément. Comme à cet instant où Me Philippe Vouland,plaidant pour El Almine,petit garçon franco-comorien de 8 ans au moment du drame,dont la mère a été ensevelie,a évoqué la très brève déposition de l’adolescent devant le tribunal : « Lui qui n’a pas lu Camus a rejoint les premiers mots de L’Etranger et vous a dit du haut de ses 8 ans,qu’il retrouve soudain : “Monsieur le président,ma mère me manque !” Que pouvait-il dire d’autre ? Ce petit enfant vous a dit l’essentiel,vraiment l’essentiel. »
Procès pour l’histoire de Marseille,procès contre l’habitat indigne,procès de l’ère Gaudin… les avocats des parties civiles ont pointé du doigt les négligences,les « regards ailleurs »,« les petits arrangements entre amis »,les calculs politiques,l’incompétence et la cupidité,redoutant déjà la demande de relaxe générale que les avocats des seize prévenus réclameront devant le tribunal. « Ce n’est pas une association de malfaiteurs mais une association d’imprudents et de négligents »,a résumé Me Brice Grazzini,défenseur de proches de trois des huit victimes. Pour lui,aucune des « strates de protection » n’a joué son rôle,tous les verrous ont sauté l’un après l’autre : « Ce n’est pas un accident,ces huit morts sont bien le fruit d’un je-m’en-foutisme général. »
Me Grazzini déplore un cumul de fautes : « faute de cupidité » des copropriétaires qui « ont privilégié le maintien des locataires pour encaisser les loyers » ; « faute de gourmandise » du cabinet Liautard,le syndic,incapable de bien gérer 127 copropriétés,et de son gestionnaire,Jean-François Valentin,qui « n’a pas pu ne pas entendre les innombrables alertes des occupants les derniers jours » ; « faute de paresse » de Julien Ruas,adjoint au maire (Les Républicains,LR) chargé de la sécurité des immeubles,qui « n’a pas su organiser son service pour qu’il soit efficace » ; « faute d’orgueil » de l’expert judiciaire Richard Carta,qui « a ordonné la réintégration des locataires » ; « faute de manque de professionnalisme » de Marseille Habitat,propriétaire de l’immeuble voisin vide de tout occupant qui,en y réalisant des travaux en dépit du bon sens,est accusé d’avoir fragilisé l’ensemble.
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