A partir d’une intervention de routine à Roubaix, la police judiciaire de Lille a mis au jour une organisation tentaculaire de passeurs convoyant de la cocaïne entre la Guyane et la métropole.
Un douanier français étudie une radiographie réalisée à l’hôpital montrant huit boulettes de cocaïne cachées dans le rectum d’une « mule » arrêtée à l’aéroport de Cayenne - Félix-Eboué,en Guyane,et soupçonnée de travailler pour les narcotrafiquants. ALVARO CANOVAS / PARIS MATCH / SCOOP Comme la plupart des « dossiers stups »,l’affaire commence par un renseignement anonyme. A l’été 2019,une équipe du très animé commissariat de Roubaix (Nord) investit une petite maison de la commune où se seraient installés des passeurs de cocaïne en provenance de Guyane. Derrière l’étroite façade en briques rouges,les policiers découvrent un spectacle digne du huitième cercle de l’Enfer imaginé par Dante : poubelles débordantes,papier toilette souillé,seaux remplis de déjections humaines… Et quatre personnes originaires de Guyane,hagardes et désorientées. Après avoir fouillé la maison,les forces de l’ordre rassemblent 6 kilos de cocaïne,conditionnés en ovules plastifiés d’une dizaine de grammes.
Un groupe de l’antenne Ofast (Office antistupéfiants) de Lille prend l’affaire en main. Ces enquêteurs ne connaissent le trafic des passeurs guyanais qu’à travers les deux ou trois « mules » que les douanes remettent à la police judiciaire chaque semaine. « En auditionnant les quatre transporteurs,on a compris qu’il s’agissait d’un réseau très structuré,se souvient le capitaine Yann,alors chef adjoint du groupe. Au Suriname,pays frontalier de la Guyane,les mules avaient avalé des dizaines de capsules de cocaïne – environ 1,2 kg de produit par personne. Elles avaient ensuite accompli un long trajet : pirogue – taxi collectif – aéroport de Cayenne – avion – Orly – et enfin VTC jusqu’à Roubaix. ».
Le capitaine Yann et son équipe se renseignent sur le phénomène des « mules guyanaises ». L’ampleur du trafic les laisse incrédules : au moins 10 000 passeurs par an,un vivier inépuisable de candidats – jeunes désœuvrés,femmes enceintes,mais aussi militaires,élus ou rapatriés sanitaires –,et des dispositifs de contrôle au bord de la rupture. D’après les chiffres du ministère de l’intérieur,un cinquième de la cocaïne disponible en métropole provient alors des « mules guyanaises ». Face à la saturation inédite des services de police et de justice,la réponse de l’Etat demeure en suspens.
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