Le président de la Banque africaine de développement met en garde contre une délocalisation à bas coût des projets de compensation sur le continent.
Le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi (à gauche),le président de la Banque africaine de développement (BAD) Akinwumi Adesina (à gauche) et la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan après avoir assisté à la réunion sur le développement durable et la transition énergétique du G20 à Rio de Janeiro,au Brésil,le 19 novembre 2024. LUDOVIC MARIN / AFP L’Afrique est-elle à la veille d’un nouveau cycle d’accaparement des terres,non pas pour sécuriser les approvisionnements alimentaires de pays tiers,comme à la fin des années 2000,mais pour produire les crédits-carbone destinés à compenser les émissions des gros pays pollueurs ou celles des entreprises ayant pris pour engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ?
Cette crainte est exprimée par le président de la Banque africaine de développement (BAD),Akinwumi Adesina,dont l’institution défend pourtant avec énergie la mise en place de marchés du carbone sur le continent. A Bakou,fin novembre,en marge de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP29),celui qui fut auparavant ministre de l’agriculture du Nigeria a déploré que « plusieurs pays abandonnent des parties entières de leur territoire pour des crédits-carbone vendus à un prix inférieur à leur valeur,et avec elles,leur souveraineté et la possibilité qu’ils auraient d’en faire usage pour réaliser leurs propres objectifs climatiques ». « C’est ce que j’appelle du “carbon grab” [de l’accaparement de carbone] »,a-t-il dénoncé,empruntant pour l’occasion le vocabulaire des défenseurs du climat ou des droits humains,très critiques à l’égard de ces mécanismes de compensation.
Les contrats de concession annoncés fin 2023 par la société émiratie Blue Carbon LLC restent à ce jour les plus spectaculaires : 1 million d’hectares au Liberia,8 millions d’hectares en Zambie,soit l’équivalent,pour chacun d’eux,de 10 % du pays,7,5 millions d’hectares au Zimbabwe (20 % de la superficie nationale). Aucun détail n’a filtré sur le contenu des accords.
« Avant de s’engager dans de telles cessions,les gouvernements doivent s’assurer que les populations qui vivent sur ces terres sont consentantes,qu’elles ne vont pas être privées de leurs moyens de subsistance. Les processus de consultation demandent du temps,et la rapidité avec laquelle ces accords ont été signés laisse penser qu’ils n’ont pas été menés de manière satisfaisante. Cela illustre une pression croissante sur les terres,car ce sont des actifs qui vont prendre de la valeur. Plus on s’approchera de 2050,plus la demande en crédits-carbone issus de projets de plantation ou de protection des forêts augmentera »,observe Gareth Phillips,responsable,au sein de la BAD,de la division chargée du financement de la lutte contre le changement climatique.
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